«_ Tu ne me parles plus.
_ J’aime le silence.
_ Mais pas tout le temps!
_ A travers le bruit du vide je parcours tes formes en secret. J’admire ta beauté, je m’approche d’un peu plus près. Sans rien dire, je me concentre sur tes contours, tes yeux perçants, ton nez, tes lèvres, tes joues rougissant. Tu ne m’entends pas mais dans moi je parle, je danse sur mes mots. Je te dis que je t’aime, par le biais de mes yeux qui dégagent une lumière particulière. Une lumière qui ne se dégage pour personne sinon toi, petite, celle que j’aime et aimerai toujours.
_ Que c’est beau. Pourquoi ne me dis-tu pas «Je t’aime» à voix haute quand même?
_ Cela perdrait son sens. Si à travers le regard tu parviens à comprendre l’amour de l’autre alors cela signifie que cet amour est vrai. Les mots ne suffisent et d’ailleurs n’existent même pas pour décrire ce sentiment d’amour profond. Cette peur de perdre l’autre. Cette envie d’être à ses côtés. Ce sentiments d’être pauvre quand une des moitiés part, ce sentiment d’être aimé malgré les regards.
_ Ce regard dont tu parles, je le connais bien. A mon tour je t’observe, je créée des liens entre cette mysticité et cet amour mélangés. Nu, devant moi, je te dévisage sans que tu le saches. J’ai l’impression de te découvrir pour la première fois à chaque instant. A présent, je peux reproduire cette image à l’infini. Quand je me sens seule, quand tu laisses vide le lit que l’on partage, moi et mon image.
_ Je ne te laisserai jamais vide. Comme tu le dis, tu as ma photo gravé dans ton regard. Tu peux m’observer autant que tu le voudras, je sais que tu ne m’oublieras pas. Je remarque dans tes mots l’essence de cet amour merveilleux que tu tentes de me décrire. Toi non plus, tu ne me cries pas «Je t’aime» à tout instant. Cela est dû au fait que tu n’en a point besoin, tu sais que je le sais. Et à mon tour, je sais que tu le sais. Nous savons que l’autre le sait et c’est cela qui le rend beau notre amour. Il est insaisissable. Invisible mais le plus flagrant de tous les amours. Veux-tu que je crie notre lien? Que je le dévoile au monde où que je ne lui dise rien? Je n’ai point besoin de lui expliquer, il verra sans doute, ce n’est pas très compliqué.
_ Promets moi que tu ne m'abandonneras pas.
_ Sylvie…
_ Promets le moi.
_ T’abandonner me serait impossible puisque t’abandonner impliquerait l’oubli de ton image, de ta psyché, de toi. L’oubli de nos moments, de notre vie ensemble. T’abandonner signifierait effacer tout ce que je connais. Comprends que j’ai besoin de toi. Ne crois-tu pas que moi aussi j’ai peur de l’abandon. Peur de perdre de vue ce regard aimé que tu transmets chaque matin quand tu te réveilles et membrasses. Ne le crois-tu pas?
_ Je t’avoue que je ne l’avais jamais mis comme cela. Pardonne moi, je ne voulais pas te blesser, je voulais juste être sûre que j’étais digne d’être aimée.
_ Je t’aime Sylvie.
_ Moi aussi je t’aime petit.
Un long silence suivit.
_ Tu ne me parles plus.
_ J’aime le silence.
_ Profitons alors.»